2011 – Foire du Livre

Entretien avec Fery Malek Madani
(militante féministe belgo-iranienne, très active au sein de l’absl Art Cantara)

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Nous avions choisi au départ de vous parler d’un projet mené par Amazone, lancé il y a quelques années par une des plus fidèles alliées et amies d’Amazone, Simone Susskind, un projet intitulé Femmes et sociétés en transition, dont l’objectif est la mise en réseau, échange de bonnes pratiques pour l’avancement des droits des femmes, etc.

Pour cela, nous avions pensé faire venir à Bruxelles quelques-unes de celles qui participent à ce réseau depuis sa création, à savoi...

N’ayant malheureusement pas pu les rassembler aujourd’hui, nous avons Fery Malek et moi-même de vous parler de l’action menée en Iran par l’une d’entre elles.

Il s’agit de Shahla Sherkat, militante féministe iranienne, fondatrice il y a 20 ans du magazine Zanân et qui a vu ses activités interdites et son journal fermé il y a 3 ans, nous verrons tout à l’heure dans quelles circonstances et pourquoi. Fery, aujourd’hui, tu nous feras le plaisir d’intervenir à double titre, d’une part pour nous transmettre le témoignage et l’expérience de notre amie Shahla, présente en pensée avec nous, mais aussi pour nous transmettre ta propre perception de l’évolution des droits des femmes en Iran, à travers cette expérience fantastique qu’a été durant près de 20 ans le magazine Zanân.

Juin 1991, Shahla Sherkat, journaliste depuis 10 ans dans le magazine Zan-e ruz ("La femme d’aujourd’hui"), est remerciée, avec quelques rédacteurs en chef, pour avoir "soutenu une ligne moderniste, occidentaliste et féministe".

1991, l’Iran vient à peine de sortir de la guerre contre l’Irak (1980–1988), Rafsandjani, qui a été élu président en 1989, a évincé du pouvoir les radicaux et prône le libéralisme (même si c’est un libéralisme davantage économique que politique et intellectuel). C’est à cette époque aussi que la censure s’assouplit et que réapparaissent timidement quelques revues, journaux et cercles de pensée indépendants. Les aspirations au changement et à plus de liberté de la part de la population sont grandes.

Comment vivent les femmes en 1991? A-t-on le sentiment à cette époque qu’elles vont-elles aussi pouvoir bénéficier de cette timide ouverture? Et comment expliquer cette décision du magazine Zan-e ruz, dans un climat qui semble pourtant s’ouvrir aux idées progressistes, de licencier Shahla Sherkat?

Les femmes qui avaient bcp lutté pour la révolution se retrouvent très vite comme citoyennes de seconde classe, à cause de l’abolition des lois de protection de la famille promulguées à l’époque du shah.

Les femmes éduquées dans la sphère publique de l’avant révolution sont écartées, soit remerciées, soit refusent elles-mêmes de collaborer dans un système qu’elles récusent.

Seules celles liées par des liens de parenté aux dirigeants essaient de défendre cette nouvelle situation, il y a un certain féminisme d’état qui nait (comme il y a chaque fois en Iran et ailleurs dans les systèmes autoritaires), où on inclut des femmes dans le pouvoir pour dire que les femmes font partie intégrante de notre système mais en fait elles ne font que défendre la ligne du parti au pouvoir sans pour autant rejeter le patriarcat.

Donc très vite toutes les femmes se trouent à la même enseigne face aux lois anti-femmes qui accordent tous les pouvoirs aux hommes. On assiste alors à une division au sein des femmes, plusieurs tendances avec des analyses différentes naissent:
- les féministes laïques (suivent à la lettre le mouvement féministe occidental)
- les féministes qui essaient de trouer des solutions dans une nouvelle interprétation de l’Islam et de la loi coranique, çàd des féministes islamiques.
- les musulmanes féministes , càd des femmes croyantes pratiquantes qui ne voient pas d’inconvénient à revendiquer des lois égalitaires pour les femmes et trouvent que la religion est une voie , mais qu’il y en a d’autres aussi.

1991 donc, Shahla Sherkat est remerciée pour ses 10 années de collaboration au magazine Zan-e ruz. Profitant du climat de liberté que l’Iran va connaître tout au long de la décennie 1990-2000 (qui verra la naissance de nombreux périodiques – 900 à la fin des années ’90 dont plusieurs titres féminins et de nombreux parmi eux qui n’hésiteront pas à critiquer le pouvoir en place), Shahla, féministe convaincue et avide d’améliorer les droits de ses soeurs iraniennes, décide de fonder Zanân ("Femmes").

Toi qui as pu suivre l’évolution de ce magazine et qui as vu comment il était reçu, perçu au sein de la population iranienne (auprès des femmes comme auprès des hommes), dirais-tu de Zanân qu’il s’agit d’un magazine féminin, ou d’un magazine féministe?
Et quelle différence importante cela représente-t-il selon toi dans un pays comme l’Iran?

Pendant des années donc ces femmes étaient retranchées dans des camps opposés, avec l’ouverture du magazine zanan en 1991 et grâce à l’ouverture d’esprit de shahla qui a demandé aux laïques de joindre son équipe, elle a peu à peu estompé ces frontières.

Zanan revendique être le premier magazine féministe iranien, et le titre a été choisi explicitement pour faire comprendre que ce sera un magazine qui traitera des problèmes des femmes, sous l’angle des femmes.

C’est une tribune accordée aux femmes de toutes tendances pour s’exprimer. C’est un véritable pont qui réunit les divisions des femmes pour mieux les intégrer dans une analyse commune sur les discriminations subies par les femmes.

Zanan développe une réelle «identité de genre» Dans les pages de Zanan, tous les sujets traités portent un regard de genre, par exemple dans des analyses des cas, c’est un point de vue féministe qui ressurgit lorsque l’article cherche à démontrer les racines du mal social qui reposent sur des articles de lois défaillants ou discriminatoires. Comme la législation sur la garde des enfants Les dossiers des femmes qui s’immolaient dans la province d’Ilam L’article 220 du code pénal islamique qui acquitte un père ou grand père paternel meurtrier de son enfant.

Tous ces articles même s’ils n’ont pas changé les lois, en tous cas ont contribué à préparer les mentalités dans cette voie.

Informer les gens que si ces crimes existent, derrière il y a une législation qui les permet. Dans les timides véritables changements on peut citer le moratoire sur la lapidation et les pendaisons en public (qui malheureusement a été ignoré ces dernières années) Égalité du prix de sang: homme /femme musulman/non musulman Je pense que c’est un magazine sérieux, avec des analyses de fond, et des revendications pour l’égalité homme femme, qui reste agréable à lire et accessible à toutes. Zanân connaîtra ses plus belles heures sous la présidence de Khatami, entre 1997 et 2005. On l’a compris, Shahla ne souhaite pas simplement divertir les femmes, elle veut les informer de leurs droits et favoriser peu à peu le changement des lois en faveur de l’égalité. Durant toutes ces années, quelles seront la ligne éditoriale du magazine et la stratégie de Shahla et son équipe pour soutenir cet objectif?

Une volonté de démontrer que les lois discriminatoires sont fondées sur le patriarcat et non sur l’Islam et cela est la cause des limites des droits des femmes. Nous sommes dans une société où:
- la religion en privé est un échec
- la sécularisation est un échec
Il faut poser la question des femmes, de leurs droits autrement. Et c’est dans une interprétation ouverte de l’Islam que Zanan essaie de se positionner, en tous cas dans les cent premiers numéros, le magazine est dans la lignée des nouveaux penseurs de l’Islam, comme Soroush, Kadivar, ayattolah Sanéi. Evidemment c’est un point de vue que beaucoup de féministes laïques lui reprocheront en faisant remarquer que cette façon de voir a ses limites; Elles trouvent que Zanan qui publiait des articles osés est devenu plus prudent. C’est vrai qu’à l’époque de Khatami, le gouvernement réformateur voulait transformer ces nouvelles interprétations qu’on appelle aussi la jurisprudence dynamique en lois, mais nous avons vu que le camp des jurisconsultes traditionnels au sein des instances du pouvoir ont chaque fois refusé ces changements sauf dans un cas ou deux très exceptionnellement.

Parmi ces «faits divers» traités par Zanân sous l’angle du genre (c’est-à-dire avec une perspective féministe au sens «volonté de faire avancer les droits des femmes») et qui a eu un impact extrêmement important dans la société iranienne au point d’aboutir à un changement de la législation, il y a cette fameuse affaire du viol d’une femme par des Gardiens de la Révolution. En quoi cette affaire, et surtout la manière dont Zanân l’avait relayée dans son magazine, est-elle si remarquable?

Le viol d’une femme mariée par trois hommes, dans une ville du nord du pays. Le tire «Ce soir dans le pré» est écrit par une journaliste qui s’est rendue auprès de la victime à la demande de celle-ci, qui malgré tous les inconvénients voulaient absolument témoigner.
D’abord témoigner en tant que victime d’un viol, d’un viol commis par des jeunes gens appartenant à la milice tant adulée par le pouvoir, et surtout apprendre à ses soeurs que le viol ne doit pas plus être un tabou, qu’il faut porter plainte, et que le violeur existe et si on est violé ce n’est pas parce qu’on est consentante mais bien violentée et agressée. (juste en passant, si le viol est démontré, la peine est capitale )

Un viol qui avait été relaté comme un fait divers ordinaire par la presse a été analysé en détails, par exemple comment le juge et l’avocat se sont comportés dans cette affaire; comment la victime est triplement sanctionnée, par son mari qui l’abandonne, par la société qui avec sa mentalité estime qu’elle a dû provoquer ce viol, par la justice qui veut à tout prix démontrer que les accusés sont des jeunes dont on veut mettre en cause l’intégralité par une femme de mauvaises murs. A côté plusieurs pages sont réservées aux explications des psychologues, sociologues, juristes iraniens qui parlent du viol. L’article insiste sur le faible nombre de cas de viol dans les statistiques en Iran, en expliquant que les femmes qui le subissent ont peur de porter plainte, mais le phénomène est bel et bien là.

On le voit, Zanân a influencé jusqu’à casser des tabous ou a été à l’initiative de réels changements dans la société. C’est le cas encore avec cet exemple d’un procès dans lequel Shirin Ebadi, avocate qui a elle aussi collaboré à Zanân et connue dans le monde pour son engagement qui lui vaudra un Prix Nobel de la Paix, était l’avocate de la mère d’une petite fille tuée par son père. selon la législation en vigueur (qui favorisait automatiquement les pères en cas de divorce) et les efforts de l’avocate de la mère pour prouver que le père n’était pas en condition d’assurer cette garde, un père avait reçu la garde de sa fille, au final la fillette avait été molestée par son père et était morte de ses sévices.

Shirin Ebadi était avocate de la mère dans le procès contre le père le procès a été suivi de près par Zanân et a indirectement, en dénonçant ce fait comme un réel problème de société basé sur une législation injuste, favorisé le changement de la législation sur la garde des enfants: âge des enfants revu pour l’attribution de leur garde au père et désormais on tient compte de la situation du père et de la mère En touchant à de très nombreux thèmes de société et en utilisant le plus souvent, même à travers les «faits divers» l’actualité comme point de départ de leur analyse, les journalistes de Zanân vont peu à peu lever une série de tabous (les femmes et la toxicomanie, les femmes en prison, les femmes et le SIDA, etc) dans la société iranienne, avec un impact important en terme de changement des mentalités. Mais est-ce que ce changement touche réellement toutes les couches de la société, Zanân vise-t-il à réellement sensibiliser l’ensemble des femmes, ne se limite-t-il pas à un cercle d’intellectuelles?

C’est vrai que parfois on a pensé que les questions soulevées dans zanan étaient celles d’une classe aisée, intellectuelle mais très vite on remarque que ces femmes avec ces appartenances-là ont mieux compris et expriment mieux ces problèmes qui se rapportent à toutes les femmes.

C’est un magazine où on trouve des articles psychologiques, de santé, de droit, d’art et de culture, de présentation des femmes importantes du monde scientifique, des inventions faites par les femmes, les grandes féministes, les femmes en politique.

Des articles sur les problèmes de la société: la polygamie, la dot, le divorce, le quota pour les filles à l’université, la discrimination à l’emploi Les nouvelles parutions des livres sur les femmes, les critiques de film, Les nouvelles sur les femmes: -interventions des députées, leur proposition de loi (exemple: carnet à la disposition de futurs couples, relatant leurs conditions réciproques- puisque dans le contrat de mariage tout est en faveur de l’homme.

L’université al azhar reconnaît le droit d’avortement aux femmes ayant subies un viol) -les femmes iraniennes qui ont obtenu des prix, notamment des prix des droits de l’homme -les sites iraniens de femmes qui ont été filtrés -les femmes activistes qui ont été arrêtées. On a reproché à Zanan d’être trop prudent: il est certain que si elle n’avait pas autant scruté chaque texte, chaque mot, chaque sujet, le magazine aurait été fermé depuis très longtemps. On a reproché à Shahla, d’être à la fois responsable de publication, rédactrice en chef, et directrice de zanan. Mais il faut comprendre la situation du journalisme dans le tiers monde, dit-elle. Par la force des choses et par nécessité, vous devez apprendre à dire le mot qu’il faut dans le lieu approprié, au moment opportun..

Dans un système tellement obnubilé par la «pensée autre», elle est comme une équilibriste sur une corde raide à plusieurs mètres du sol, qui n’a pas beaucoup de marge de manoeuvre! Je pense que c’est un magazine d’actualité qui reste accessible à toutes, et pas un magazine élitise. Avec la ferme volonté de développer la conscience de genre (nous sommes discriminées parce que nous sommes femmes) auprès du plus grand nombre de femmes possible et donc dépasse largement le cercle fermé des intellectuelles.

Toutes les plus grandes féministes iraniennes ont contribué à Zanân, publiant des articles, répondant à des interviews, collaborant au numéro 100 pour dire tout le bien qu’elles pensaient d’un magazine comme Zanân pour l’avancement des droits des femmes. Nous avons eu la chance de rencontrer plusieurs d’entre elles, qui ont participé au projet FST et qui en sont toujours membres aujourd’hui en tant qu’expertes. Toutes ces femmes, avocates, chercheuses universitaires, militantes activistes, poursuivent aujourd’hui leur combat féministe dans l’ombre. C’est ça aussi la force des femmes en Iran, avancer dans la nuit les phares éteints (pour reprendre une expression de notre amie Shahla), comme le montre par exemple cette extraordinaire campagne de récolte d’1 million de signatures, lancée par les femmes iraniennes pour réformer les lois relatives aux droits des femmes. Parle-nous de cette campagne et de ces femmes extraordinaires qui chacune à leur façon travaillent au changement.

La campagne

Après 28 ans , d’acrobatie entre les règles et les différentes façons de les contourner, devant des lois discriminatoires par rapport aux femmes, nous assistons à une mobilisation fantastique des femmes de tous bords, de catégories sociales et classes d’âge confondue au-delà des clivages, laïques , religieuses, et surtout au-delà des programmes de partis politiques. C’est une démarche très citoyenne juste pour un changement des lois discriminatoires envers les femmes.

C’est une campagne face à face, porte à porte, qui tente d’approcher les femmes dans leur quotidien et leur expliquer à travers une brochure qui explique en mots simples quelques points prioritaires discriminatoires à changer, ensuite demander à la personne de réfléchir et d’envoyer par la poste sa signature ou bien directement de signer la pétition et stipuler quelle est la priorité dans les lois à changer. Une fois ce million de signatures récoltées, les porter devant le parlement et leur montrer que ces lois discriminatoires concernent toutes les femmes.

1) le mariage:

Avec le mariage, la femme perd une série de ses droits: choix de résidence, autorisation de voyager et de sortir du pays, et son travail devra recevoir l’approbation de son conjoint. Avec le mariage, elle doit obéissance à l’homme.
L’inégalité d’âge en mariage est une autre discrimination dans le droit du mariage. Légalement la fille doit avoir 13 ans - mais le père peut la marier avant cet âge, avec l’autorisation du tribunal.

Les filles vierges doivent impérativement avoir l’autorisation de leur père ou de leur grand-père paternel, sans quoi ils peuvent faire annuler le mariage. D’après le code civil, le statut du chef de famille revient exclusivement à l’homme.
Les femmes iraniennes ne peuvent se marier avec des étrangers sans l’autorisation du ministère de l’intérieur- alors que cette restriction n’existe pas pour les hommes iraniens.

Autre point discriminatoire: la polygamie: un homme peut avoir quatre femmes par mariage officiel et un nombre infini de femmes par mariage temporaire.

2) le divorce:

D’après la loi, le droit au divorce revient à l’homme - il peut demander le divorce quand il le désire. Tandis que pour la femme, il faut démontrer: le mauvais comportement du mari, le non paiement des frais du ménage, l’addiction du mari à la drogue, l’absence pour cause d’emprisonnement.

Dans la plupart des cas, cela prend des années et bien évidemment elles perdent leur dot pour se libérer du lien de mariage.

3) la tutelle et la garde des enfants:

Dans la loi, tutelle et garde des enfants ont deux significations différentes. Hezanat ( garde des enfants ): la garde pratique des enfants Velayat ( tutelle ): la protection et la gestion financière, la décision des études, le lieu de résidence, l’autorisation de quitter le pays, l’intervention et l’autorisation en matière de soins de santé.

D’après la loi, une mère ne peut jamais avoir la tutelle de son enfant, même en l’absence du père et du grand père paternel, elle peut juste être la mandataire ( ghayem ) de l’enfant. Et ceci sous la surveillance du bureau de protection du ministère public qui veillera sur tous les actes de la mère en cas de transaction des biens de l’enfant.
Après le divorce, la mère perd la garde des enfants au-dessus de 7 ans, et en dessous de 7 ans si elle se remarie.

4) l’héritage:

D’après le code civil iranien, lors du décès des parents, les garçons héritent du double des parts de
leurs soeurs.
Dans le cas du décès du mari, s’il y a enfant: l’épouse hérite 1/8 des biens meubles et de la propriété mobilière (c-à-d uniquement la valeur de la maison, les arbres mais pas le terrain ) Et s’il n’y a pas d’enfant 1/4.
Or lorsqu’il y a enfant, le mari hérite 1/4 de la totalité des biens de son épouse et quand il n’y a pas d’enfant de la ½.
Si la femme n’a pas d’autre héritier, tous les biens vont au mari, mais dans le cas du mari qui n’a pas d’autre héritier, 1/4 va à la femme et le reste à l’État.
Si un homme a plusieurs femmes, c’est la même chose: 1/8(si enfant) ou ¼ (si pas d’enfant) des biens qui sera distribué parmi toutes les épouses.

5) l’âge de la responsabilité pénale:

L’âge de la responsabilité pénale est de 8 ans 9 mois pour les filles et 14 ans 6 mois pour les garçons. C'est-à-dire que si une fille de 8 ans qui n’est qu’un enfant commet une faute, elle sera traitée comme une adulte, et toutes les peines légales prévues (même la pendaison) sont prononcées. Sauf que l’exécution de ces peines est reportée à l’âge de 18 ans et en attendant elle restera en prison.

6) la nationalité:

Les femmes reçoivent la nationalité de leur époux tant qu’elles sont mariées et ne peuvent l’abandonner.

En Iran, la nationalité se transmet du père à l’enfant, même si une femme iranienne, sur le sol iranien, se marie avec un homme étranger, leur enfant né en Iran est considéré comme étranger.
Le cas le plus courant est celui des Iraniennes ayant épousé des Afghans et qui sont obligées de quitter le pays.

7) le prix du sang:

Dans le cas d’un homicide involontaire, le prix du sang versé pour une femme est la moitié de celui pour un homme.

Dans le cas d’un préjudice à un membre, le prix de dédommagement pour une femme est également la moitié de celui d’un homme.

8) la polygamie:

un homme peut avoir quatre femmes légales et un nombre infini de femmes par mariage temporaire.

9) le témoignage:

dans certains cas les femmes ne peuvent même pas témoigner comme dans l’inceste, le testament, et dans les autres cas, leur témoignage vaut la moitié de celui d’un homme lorsqu’il est corroboré par celui-ci.

10) le jugement:

d’après la législation actuelle, les femmes n’ont pas le droit de juger. Dans les tribunaux iraniens, une femme juge ne peut ni émettre de jugement, ni prendre une décision judiciaire.
Elles sont engagées au sein du pouvoir judiciaire avec un grade de juriste mais sont utilisées comme conseillères. Les juges des tribunaux de famille leur demandent leur avis, mais ils ne sont pas obligés de s’y soumettre.

Quelques-unes de ces femmes: Shadi Sadr, avocate, Jaleh Shadi Talab, directrice de Women’s studies, Farideh Mashini, haut placée au Parti des Réformateurs, en charge des projets femmes, Susan Tamasebi, coordinatrice du projet FST en Iran, Farideh Gheyrat, avocate droits des femmes, Zara Shojaee, conseillère du président et directrice du centre de la participation féminine, une des premières à avoir discuté avec Laurette Onkelinx avant le lancement du projet FST, Nayereh Tavakoli, chercheuse traductrice, Nahid Motie, sociologue, directrice du groupe des sciences sociales dans une Université de Téhéran, de nombreuses autres qui se sont exilées après avoir été inquiétées, parfois lourdement condamnées par la justice iranienne pour leurs engagements et prises de position féministes ?

Début de l’année 2008, nous sommes sous l’ère Ahmadinedjad, Zanân publie son dernier numéro, le 152ème, intitulé «Une femme de fer et de soie». En février, Zanân est interdit de publication. Comment cette fermeture s’annonce-t-elle? Que se passe-t-il de particulier en février 2008 qui explique cette décision radicale prise par les autorités iraniennes?

Depuis la fin des réformateurs, le pouvoir est aux mains des conservateurs religieux qui ont une idée de la femme centrée uniquement sur la femme épouse, la femme mère. Il suffit de lire dans les pages qui rapportent les propos des parlementaires dans Zanan dans ses derniers numéros:
"si on donne le droit de divorce aux femmes tous les hommes resteront célibataires"
"même si l’Iran doit être mis au banc, et ne pas participer aux compétitions internationales, on ne laissera jamais les femmes entrer dans les stades"
Ou bien récemment dans l’actualité: Le ministre de l’éducation supérieure: "ce n’est pas une fierté d’avoir tant de filles dans nos universités"
Ou bien une parlementaire: "malheureusement nos filles mettent toute leur énergie à rentre dans les universités et étudier, au lieu de s’occuper de leur rôle d’épouse et de mère"

Donc il n’est pas étonnant qu’on ferme zanan , pour cause de "donne une image noire et détruit la sécurité mentale de la société" en d’autres termes, silence on ne parle pas des choses qui ne vont pas, et elles sont nombreuses pour ces femmes: Le quota dans les universités (trop de filles, alors on fait 40 et 40 et les 20 restant c’est méritoire d’après les points obtenus au concours)

Les filles peuvent aller à l’université uniquement dans leur province (pour éviter qu’elles ne sortent vraiment de leur carcan traditionnel et ne rencontrent des jeunes venant des autres régions)

Réduire les heures de travail des femmes (quel employeur est prêt d’embaucher encore des femmes si il n’y a pas de compensation étatique!) ? Est-ce qu’il y a encore aujourd’hui un mouvement de femmes en Iran? Et que fait Shahla depuis la fermeture Zanân?

Un mouvement de femmes à proprement parler doit continuer, disons dans sa phase de conception des théories; car toute manifestation, rassemblement même de petits groupes sont interdits. Cela dit pas mal de programmes sont actuellement en cours pour les femmes, mais pas dans une perspective de conscience de genre.

Dans les communes des programmes locaux sont organisés gratuitement pour former les femmes en tant que bonne maitresse de maison, aussi des cours sur le tri des poubelles, ou des cours de mise en forme mais je n’ai vu aucun programme de participation politique par exemple.
A cette question que j’ai posé à la seule femme présente au conseil municipal de Téhéran, qui avait été vice ministre à l’époque des réformateurs, que je suis allée voir pour la suite de notre projet fst sur la participation politique des femmes, surtout les élues locales, elle m’a répondu: "vous savez la question des femmes est très sensible".
C’est vrai qu’aujourd’hui parler des femmes en Iran est un sujet délicat, politique, mais vous ne pouvez pas arrêter la marche en avant des femmes, comme de la démocratie, c’est inévitable. Le processus aura des grippages dans son cours mais il est là indéniable et je peux terminer en disant que l’apport de zanan était en tous cas que les mots osés, tabous du début de sa parution sont aujourd’hui banalisés: société civile, féminisme, sécularisme, droits de l’homme.

Shahla est sans emploi, elle voudrait évidemment pouvoir un jour ouvrir Zanan 2, mais pour le moment les autorités tardent à lui donner l’autorisation.
Pour moi elle est le symbole de l’évolution qui s’opère en Iran, lentement mais sûrement. Une femme croyante au départ très religieuse qui au long de son parcours a pris de plus en plus conscience de son identité de femme et qui voit les limites de la religion.

Elle a développé un esprit critique et a surtout une ouverture d’esprit qui permet d’analyser la société sous un regard féministe universel avec des spécificités "locales". Ce qu’elle persiste toujours à faire passer comme message, il n’y a pas un féminisme mais des féminismes.

 

Bruxelles, samedi 19 février 2011

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